mardi, novembre 29, 2005
4 Dispositif - Michel Foucault épisode 1 30-11-05
« Parce que regarder l’objet, c’est s’enfoncer en lui » Merleau-Ponty
- Le dispositif est donc comme une machine de production – c’est un agencement finalisé : la perspective fonctionne analogiquement à la vision ; c’est dire qu’elle fonctionne symétriquement : selon un modèle construit sur la vision mais pas comme la vision.
Le dispositif appréhende une modalité toujours spécifique, inhérente au mobile-motif qui le détermine.
Chaque dispositif fonctionne dans une relation à la nouveauté de l’actualité qu’elle met en œuvre.
Actualité n’est pas à comprendre en tant qu’ensemble d’événements récents – c’est plutôt l’effectivité de l’acte qui est en cause (de ce point de vue, l’événement se « situe » dans un certain rapport au dispositif).
Le dispositif est un agencement construit. Pour le moment d’après le dispositif de la perspective : le regard engage une détermination du voir ; un « voir » qui n’est plus simplement l’acte physiologique, c’est-à-dire un donné (tout le monde voit) mais un voir qui suggère une perspicacité du voir.
Michel Foucault s’est, un moment, penché sur la notion de regard et sur la perspicacité du regard d’un point de vue philosophique.
Qui est M.F. ?
1926-1984
Un penseur totalement engagé dans son présent : statut du savoir, du pouvoir, du processus de subjectivation.
À côté de son travail universitaire et philosophique, il participe, à sa mesure et sans médiatisation, à divers groupements : sur la maladie mentale, la prison, l’homosexualité etc.
Une série d’ouvrages dont :
-1961 Histoire de la folie à l’âge classique (reprise de sa thèse)
-1963 Naissance de la clinique
-1966 Les mots et les choses
-1969 Archéologie du savoir
-1975 Surveiller et Punir
-1976 Histoire de la sexualité 1 – la volonté de savoir
-1984 Histoire de la sexualité 2 – l’usage des plaisirs
Histoire de la sexualité 3 – le souci de soi
Le noyau de la pensée philosophique de M.F porte sur les conditions historiques de production du Savoir, du Pouvoir et de la Subjectivité.
C’est un coup d’œil qu’il est possible de déterminer dans l’après-coup. L’élaboration s’est faite au coup par coup, au fur et à mesure d’un déblaiement progressif des champs investis : le choix pour désigner son attitude philosophique du mot archéologie ne doit pas être pris à la légère.
Le concept philosophique est ce qu’on dégage et dont on retrace la dynamique – l’histoire, le procès plutôt- par un travail cartographique. Dans le champ des pratiques impliquées par M.F, il y a une importance très grande accordée au site et à la situation du concept.
Il y a un souci de la description et un souci de l’exactitude et de la précision. L’importance du travail de Foucault n’est pas encore mesurée.
-Naissance de la clinique PUF Paris 2003
Un texte d’épistémologie après la grande étude sur la folie et la déraison (Histoire de la folie en 1961).
Justifier la démarche méthodologie et rendre compte d’une dynamique.
L’horizon du texte écrit Foucault est de « comprendre le mécanisme de changement discursif dans la médecine ».
C’est une démarche qui s’articule par la suite à la ligne problématique de Foucault dans les Mots et les choses, puis Surveiller et Punir.
Apercevoir un changement de forme discursive et comprendre le changement de paradigme, c’et déjà ce que nous avons rencontré dans la problématique de la perspective.
Le dispositif de la perspective était un changement de point de vue représentatif qui conduisit à une transformation de la définition du voir et du regarder (au-delà même à une transformation des rapports de la vision à la science : l’optique du XVII-XIXe siècle).
N-C s’efforce de rendre compte de l’articulation nouvelle qui s’effectue entre percevoir et voir dans la discipline médicale.
Le premier travail est donc une relecture de tout le corpus discursif sur la médecine (travail facilité par la thèse de M.F.) mais sous un autre angle d’attaque.
Il s’agit d’une approche problématique relevant d’une épistémologie – l’épistémè en grec, c’est la science comme savoir discursif, c’est-à-dire déroulant dans une articulation d’énoncés une raison (argumentation) ; le travail de M.F. préférera au terme d’épistémologie celui d’archéologie et/ou d’épistémè. La reprise du terme grec n’est pas innocente, elle participe d’un dispositif de décentrement-recentrement des problèmes et des concepts.
C’est l’influence de Kant avec la notion de critique judiciaire : la thèse complémentaire de M.F. fut un travail de traduction commentée de l’Anthropologie d’un point de vue pragmatique où Kant décentre certains de ses propres concepts dans une empirique de l’homme.
C’est également l’influence de Nietzsche : l’intempestif tout d’abord comme inactualisation d’une question, puis avec le processus conceptuel de la généalogie comme reprise « anhistorique » d’un devenir.
Plus largement, la question du dispositif méthodologique d’une approche philosophique travaille, perturbe la philosophie au XXe siècle : Deleuze, Derrida, Nancy … comme si la philosophie cherchait à se valider en dehors de l’épreuve d’un certain discours universitaire et cherchait encore sa légitimation discursive – en tout état de cause le XXe siècle fut celui des énoncés systématiques sur les discours philosophiques (la question est inhérente à la philosophie, mais elle s’est « formalisée à ce moment-là).
N-C cherche les présupposés de la réorganisation des savoirs médicaux et le mécanisme des changements discursifs.
« Il est question dans ce livre de l’espace, du langage et de la mort ; il est question du regard … Pour Descartes et Malebranche, voir c’était percevoir » p. IX.
Il fallait « rendre transparente la perception sans la dépouiller de son corps sensible ». Le programme de la pensée est de mettre à la lumière les éléments : la procédure d’élucidation est un processus de vérité. Faire coïncider les choses avec leur essence dans l’éclaircissement de ce qu’elles sont.
Lumière et vérité s’identifient et sont les données antérieures – sous une autre forme, un idéalisme qui fait du soleil la vérité
« Voir consiste à laisser à l’expérience sa plus grande opacité corporelle ; la clarté est dans l’œil. (Un beau principe de relecture de la philosophie cartésienne et de ses métaphores : clarté et évidence.
La lumière, c’est d’une certaine manière l’œil ; il faut donc une transformation de cette appréhension de la vérité-lumière-oeil pour que soit possible un type de discours inédit sur le corps et le sujet.
C’est dans la médecine que M.F décide d’étudier cette transformation, peut-être une recomposition qui permet de tenir un discours invraisemblable – au moins jusqu’à la deuxième moitié du XVIIIe : un discours sur l’individuel ; sachant qu’un discours sur l’individuel, c’est un discours qui touche à la singularité de l’objet qui lui permet de devenir sujet.
Jusqu’alors le vieux postulat aristotélicien : « il n’y a de science que de l’universel » (Aristote Métaphysique Livres A 1) ; le particulier-singulier ne donne pas lieu à la science mais à l’expérience.
Une science du particulier, du singulier.
Celle que d’ailleurs R. Barthes appelle de ses vœux dans la Chambre claire 4 « Dans ce débat somme toute conventionnel entre la subjectivité et la science, j’en venais à cette idée bizarre : pourquoi n’y aurait-il pas, en quelque sorte, une science nouvelle par objet ? Une Mathesis singularis (et non plus universalis) ? J’acceptai donc me prendre pour médiateur de toute la Photographie : je tenterais de formuler, à partir de quelques mouvements personnels, le trait fondamental, l’universel sans lequel il n’y aurait pas de Photographie ».
M.F ne nie pas qu’il y a eu d’autres champs où cette transformation-redistribution du savoir se produisit :
« Il appartenait à ce langage des choses et à lui seul sans doute d’autoriser à propos de l’individu un savoir qui ne fût pas simplement d’ordre historique ou esthétique. Que la définition de l’individu soit un labeur infini n’était plus un obstacle pour une expérience qui, en acceptant ses propres limites, prolongeait sa tâche dans l’illimité. La qualité singulière, l’impalpable couleur, la forme unique et transitoire, en acquérant le statut de l’objet, ont pris son poids et sa solidité … Le regard n’est plus réducteur, mais fondateur de l’individu dans sa qualité irréductible. Et par là il devient possible d’organiser autour de lui un langage rationnel. L’objet du discours peut aussi bien être un sujet, sans que les figures de l’objectivité soient pour autant altérées … On pourra enfin tenir sur l’individu un discours à structure scientifique . » p. X.
Tout cela se joue, semble-t-il, au XVIIIe siècle : le siècle de l’encyclopédie comme tentative de faire des savoirs particuliers sur l’objet individuel une recension et l’époque où s’essaie un discours d’esthétique (pas un discours esthétique). La figure de Diderot est importante de ce point de vue.
Il y a donc un redécoupage et une articulation nouvelle entre le dicible et le visible qui de la fin du XVIIIe au XIXe siècle va se jouer et se surjouer – la naissance de la clinique, c’est cela.
Le dispositif conceptuel de M.F consiste à faire resurgir les conditions historiques de possibilité d’un tel discours : analyse des écrits propres à une discipline pour que son propre discours fasse événement – l’événement se constitue en creux. Il n’est pas donné : ce n’est pas donc de l’histoire que fait M.F (puisque l’histoire consiste à croire que les événements sont déjà donnés dans le passé à faire être présent dans la narration descriptive).
L’événement se constitue comme événement dans la constitution d’une épaisseur du temps – un devenir pour reprendre un vocabulaire bergsonien ou deleuzien.
De quoi s’agit-il ?
Pour ce qui nous intéresse, les chapitres VI (des signes et des cas), VII (voir, savoir), VIII (ouvrez quelques cadavres), IX (l’invisible visible) :
-1- Rendre la science oculaire : produire un œil qui sait et qui décide, un œil qui régit – l’autopsie s’articule sur les principes de la dissection mais les valide ou les établit comme critère rendant possible un discours général à partir du cas – le corps a une histoire, il est une fiction à lire pour atteindre un réel.
-2- déterminer une ligne de partage entre théorie et expérience : symptômes et signes s’articulent l’un à l’égard de l’autre dans une distribution de sens et de morphologies.
Le symptôme est considéré comme la forme sous laquelle se présente la maladie (un certain état de fait du donné pathologique) ; le signe, quant à lui, annonce la maladie, il la désigne à l’attention et la signifie.
Le regard médical à la fin du XVIIIe se déplace de l’un à l’autre et se constitue dans le discours comme une nouvelle approche discursive de la maladie.
Cette discursivité fait du signe et du symptôme une combinaison ; le discours descriptif devient un discours explicatif. D’où l’idée du texte médical comme tableau clinique.
Le symptôme exprime : la maladie est phénomène d’elle-même. Elle se révèle tout entière dans sa manifestation ; la vérité « phénoménale » est tout entière dans sa manifestation – empirisme phénoménologique du symptôme. Il ne peut produire qu’un discours de détail et de description. Le symptôme est au plus près des caractéristiques de la maladie ; il colle au réel de la maladie, ce n’est donc plus une essence indicative de la maladie, il n’indique lui-même que dans sa relation à la maladie.
Le symptôme se constitue en caractère pathologique : il n’est pas une expression passive de la maladie (une qualité première et distinctive) mais active dans le déchiffrement (pas un signe encore mais une qualité seconde qui peut devenir signe).
Le symptôme suppose-t-on peut se constituer en signe.
Le signe dit explicitement ce qu’est le symptôme qui, lui manifeste ce que le signe permet de distinguer.
Ce qui implique :
-1- que tout symptôme est signe clinique
-2- que tout signe n’est pas symptôme
Du coup s’articule comme questionnement le point 3
-3- comment rendre visible dans une opération la totalité du champ de l’expérience de la maladie ?
-1- par la comparaison / le tableau clinique
-2- remémoration du normal ou du sain / la mémoire induit donc un temps-durée : la mesure comparative des températures par exemple
-3- par l’enregistrement de la succession ou de la simultanéité / un autre rapport à la temporalité dans ses variations – schéma, diagramme, courbe
-4- par l’autopsie / on passe de l’invisible au visible – l’état de la maladie comme totalité est dans le cadavre.
Pour reprendre la citation de M.F :
« Pour Descartes et Malebranche, voir c’était percevoir »
Pour le discours clinique en train de s’élaborer, il y a passage de la perception à la diction de la visibilité.
Un autre type de rationalité s’est construite au sein d’un dispositif particulier de la vision et du regard.
Cela pourrait se traduire par la formulation : Voir, Savoir.
M.F ne détermine pas la nature des relations – il le garde en suspens : rôle de la virgule au sens graphique est de marquer une suspension du temps, un écart, un espacement particulier qu’un blanc ne suffit pas à combler puisque le blanc du graphisme n’est là que pour induire la présence d’un fond commun – la page blanche. La virgule introduit une scansion, un écartement. On pourrait qualifier cela pour la relation entre voir, savoir par la déviance (en faisant un mauvais jeu de mot sur déviance : à la fois un écart type par rapport à une norme mais également un écart type visiblement perçu).
Le XIXe siècle développe une relation particulière au voir dans le cadre scientifique : voir, c’est observer, mais l’observation n’est pas passivité même si observer, c’est tenter de revenir à un regard sans élaboration :
« Le regard qui observe se garde d’intervenir – il est muet et sans geste. L’observation laisse en place : il n’y a rien pour elle de caché dans ce qui se donne… Le corrélatif de l’observation n’est jamais l’invisible, mais toujours l’immédiatement visible ». p.107
Il y a tout au long du siècle en question une vraie mise en place des méthodes d’observation sur le corps humain : naissance de la préhistoire comme discipline, développement de l’archéologie, commencement de l’histoire comparée (Quinet, Renan), théorisation de l’empirique et de l’expérimental (Claude Bernard), naissance de l’anthropologie (Bertillon).
Ce que l’observation permet est une pureté du regard qui fait du regard autre chose qu’un phénomène de vision : « paradoxale propriété d’entendre un langage au moment où il perçoit un spectacle ».
Le regard ne fait pas que lire une visibilité, il l‘écoute.
Il suffit de reprendre les gestes de la médecine : voir devient un geste : entre le microscope et le stéthoscope.
D’où du coup une articulation entre voir-observer-expérimenter ; plus exactement le regard d’observation est un regard d’expérimentation.
Cette articulation du regarder trouve son cadre dans un espace particulier : l’hôpital.
L’hôpital permet au fait pathologique d’apparaître dans sa singularité d’événement et sans la série qui l’entoure.
L’hôpital se veut un domaine neutre et homogène – il est l’équivalent de cet espace physique pensé de la physique mathématique.
Mais ce lieu n’est pas neutre, il est neutralisateur – il neutralise les affects discursifs et les éléments qui risqueraient de brouiller le regard.
Il ne faut pas oublier que le XIXe siècle fait de l’hôpital le lieu de la pédagogie clinique où il s’agit d’extérioriser le processus mis en place pour le rendre clinique. Dans le cadre particulier de l’hôpital (ou du cabinet médical) parler, c’est créer de la visibilité.
Le voir est donc toujours un percevoir mais un percevoir qui a des modalités propres dans le cadre de la clinique. Ce cadre est triangulaire : le tactile, l’auditif, le visible. Il est question d’une perception qui se construit comme anatomo-clinique.
La conception de l’autopsie fit varier cette relation dans le soin par une configuration des gestualités dont nous tous, encore aujourd’hui, l’expérience : main, oreille, œil sont les gestes des actes médicaux premiers auxquels nous devons faire face.
L’autopsie c’est la manière dont le clinicien articule notre corps dans une sphère de visibilité qui lui est propre par le biais d’un ensemble de procédures.
L’autopsie médicale suggère certes la mort du corps dans sa subjectivité, mais cette subjectivité se redéploie dans la singularité de l’épistémè médical.
La clinique met donc en place un dispositif de visualisation de l’invisible et de ce qui lui échappe normalement (l’audible, le tactile).
Ce dispositif consiste à faire varier des énoncés dans un champ épistémique donné – le savoir sur le corps comme manifestation phénoménale de la maladie.
C’est dans le pathologique que le spectaculaire se transforme en regardable – un regard qui détermine son objet en sujet (ce sur quoi l’on travaille).
Le passage d’une rationalité extérieure au corps à une rationalité qui déploie le corps.
Ce dispositif dans le travail de M.F. est à la fois celui de l’analytique des concepts mis en œuvre par la clinique, mais également la manière de faire dévier les énoncés de leur signification première. Un énoncé dit quelque chose et se dit comme énoncé.
De ce fait, l’énoncé est indicateur également d’une disposition du dispositif – la fin de N-C permet le passage à une réflexion sur la place du sujet dans le discours.
À titre d’exemple, le commencement de Les Mots et les Choses : l’analyse du tableau intitulé aujourd’hui Les Ménines, mais dont le titre classique est El caudro de la familia – le tableau de la famille ou le cadre de la famille.
Le tableau est peint en 1656 (en plein cœur du XVIIe siècle qui représente un problème pour le livre de M.F.) ; un format important : 318cm x 276cm.
Presque un carré comme pour répondre à l’exigence du premier titre : cuadro. Ce format n’est pas innocent, un carré, c’est la clôture de la représentation, le rectangle n’est marqué ; il implique un léger décalage dans la perception visuelle. C’est tout – un presque rien qui va se reproduire dans la lecture que M.F. fait de la toile.
Que donne à voir la toile ?
Il faut lire les quelques pages de la description de M.F., on y retrouve une écriture et un style mais également une procédure qui doit rappeler au lecteur la mise en place d’une forme de discursivité énonciative postulée dans N-C et qui sera reprise dans A-S en 1969.
dimanche, novembre 27, 2005
4 Excursus -1-2- apport de la perspective comme dispositif
- Acquis :
Un dispositif est un schème de pensée et de production.
C’est un schème en tant qu’il organise structurellement la perception sensible (il a donc un rapport à l’esthétique) et cette organisation structurelle est la source d’une dynamique de la perception.
La manière d’appréhender le réel devient manière de penser une incidence du réel.
Une distinction est donc à penser entre le réel et la réalité : si le réel est l’état de fait du monde (des choses), la réalité est la manière dont nous construisons un rapport avec cet état.
La perspective s’institue comme une manière de faire qui est également une manière de penser une relation au monde.
En partant des exemples :
- De la visibilité : la vision ne se donne plus d’un bloc ou de blocs (Giotto) mais s’articule à un centre et crée ainsi la possibilité du point de vue (même s’il peut y avoir décentrement Masaccio)
- Être visible, c’est être lisible : il y a un déchiffrement de la représentation à effectuer. À un premier stade, déchiffrement de la perception chez le producteur, à un second stade déchiffrement de la représentation pour reconstruire la perception (c’est le positionnement inverse de la représentation antérieure, où être lisible, c’est donner lieu à une possibilité de visibilité)
- Du coup, la visibilité-lisibilité est partageable : il n’y a pas ou presque pas de point de vue privilégié. L’expérience de Brunelleschi suppose que je peux me mettre à la place de (enjeu important au moment de la Renaissance : décentrement politique et religieux).
- Il y a un en commun de la représentation qui se nomme perspective légitime : un espace géométrique structuré qui ordonne le monde.
- La perspective permet d’agencer une perception qui est une représentation (c’est contradictoire dans les termes puisque la perception se donne dans l’immédiat du sensible comme sensation et la représentation comme construction de la sensation en sentiment et en sensible. Distinctions importantes à poser) en avance du discours qui le formalisera – la perspective existe avant le texte et les énoncés scientifiques qui la détermineront (historiquement il faut attendre la fin du XVIIe siècle pour que l’expression mathématique de la perspective soit presque achevée – et cela si on ne tient pas compte de l’irréductible que représente l’optique qui ne sera véritablement pensé qu’au cours du XIXe siècle, moment où la perspective est contestée avec la réflexion sur la couleur et la lumière).
- Problème :
Tout d’abord ne pas croire que la perspective s’impose par évidence. Une chance historique au sens de hasard de rencontre de causes.
Déjà parlé du contexte historique rapidement.
Comment s’impose ce dispositif ?
La perspective légitime appuie sa légitimité (outre les faits historiques) sur une conception de l’image.
L’image ne se donne plus comme émanation du réel, elle se propose comme un schème (je reprends le mot déjà employé à dessein) – une grille de correspondance entre un système visuel et les éléments du réel.
La perspective consolide du coup une conception de l’image comme mimésis.
Il y a un rapport particulier à construire à chaque coup entre le réel et sa représentation et ce rapport est l’établissement d’une réalité.
La mimésis se définira du coup comme le degré acceptable de correspondance entre le réel et son image : la réalité.
Le travail de l’artiste (qui est un des enjeux de notre questionnement sur le dispositif) se définira du coup comme une modélisation du réel (ce sera le premier niveau de sens du mot réalité : la réalité n’est que le modèle explicatif d’un état du réel) :
À la fin du moyen âge, Dante écrit (De monarchia II,2) : « voici donc ce qu’il faut savoir : de même que l’art se rencontre à trois niveaux, c’est-à-dire dans l’esprit de l’artiste, dans l’outil et dans la matière informée par l’art, de même nous pouvons contempler la nature à trois degrés différents » (à savoir en Dieu comme son créateur, dans le ciel comme en son instrument ainsi que dans la matière).
L’art est analogique, il fonctionne dans un certain rapport comme la création avec Dieu. L’image est toujours un prétexte à retrouver le texte lisible du monde – d’où l’acceptation d’une représentation en écart avec le réel puisque le réel ne se donne que par un travail d’hermétique (interprétation) d’un sens symbolique ou allégorique – rhétorique des formes visuelles.
La Renaissance part d’un postulat qui se dégage lentement dans l’analyse du réel : le modèle se donne déjà à voir. Pas une évidence du visible ou du visuel.
Ce postulat est celui de la ressemblance comme vraisemblance : ce qui d’une certaine manière arrive à être même, arrive également à être dans un rapport à la vérité, voire un rapport de vérité.
Donc du coup, il faut se placer devant les choses et arriver à rendre cette situation de placement :
« Si tu veux faire une bonne ébauche de montagnes, qui ressemblent à la nature, prends de grosses pierres rugueuses et brutes, et, en leur ménageant ombre et lumière, tu en auras aussitôt le spectacle » (Cennini Traité de peinture)
« Le travail du peintre est d’inscrire et de peindre sur une surface au moyen de lignes et de couleurs tous les corps donnés de telle manière qu’à une distance déterminée, et pour une position déterminée du rayon central, tout ce que tu vois peint présente le même relief et le même aspect que les corps donnés …Celui qui étudie la peinture tirera donc toutes ces observations de la nature même, et il méditera en lui-même assidûment la façon dont ces choses se produisent, ses yeux et son esprit persévéreront continuellement dans cette recherche… Enfin que tu étudies la penture ou la sculpture, aie toujours présent à l’esprit quelque modèle élégant et singulier que tu regarderas et imiteras. » Alberti De pictura
L’écart est manifeste : la renaissance introduit un refus de la transmission (peinture retransmise et répétitive) par la reprise perpétuelle du modèle (ressemblance avec la nature non plus divine et immuable – paradigme aristotélicien, mais changeante et variée – paradigme néoplatonicien).
Car il s’agit bien de déterminer l’essence des choses par leur aspect au sens étymologique : ce qui présente au regard.
L’aspect, c’est la vision qui se détermine par les lignes extérieures des choses, qui fait spectacle et se montre digne d’être vu et donc représenté.
La mimésis, c’est donc la production d’une ressemblance par rapport à un modèle (la nature) – un dispositif technique donc qui peut aller de la production d’une reproduction (copie, on s’y laisse prendre) à la production d’une similarité.
Un enjeu : rivaliser avec la nature, d’où le caractère d’imagerie que peut prendre la production d’image. L’artiste est aussi un ingénieur mathématicien et physicien.
La technique se définissant aussi plus largement par faire ce que la nature ne peut produire.
Alberti s’empresse de rajouter que l’artiste doit cependant porter une attention particulière à la beauté : en fait ce qui singularise la chose produite et lui donne un intérêt pour le regard de l’artiste et du spectateur dans une composition ordonnée et historique.
Le dispositif de la perspective légitime piège à la fois le regard et le réel.
Il serait même possible de dire que la perspective ne piège que le réel sous le coup d’un regard : la réalité.
La perspective, ce fut sous entendu jusqu’à présent, est un dispositif de distinction par délimitation : un procédé graphique qui consiste à faire que dans la surface s’élaborent des configurations selon une unité des variables qui se distinguent localement et pas par nature.
Le caractère géométrique n’est certes pas une mathématisation consciente puisque les outils mathématiques ne sont pas encore présents.
La perspective légitime travaille la linéarité des choses : c’est le trait – donc le dessin- ou plus exactement la délinéation (à l’origine liée à la matière colorée comme limite entre deux zones colorées) devient la bordure de la surface, la limite entre le plein et le vide – représentation matérielle séparée.
Le dessin configure une forme sensible du concept qui s’abstrait au point de disparaître à la sensibilité : lignes de forces non perceptibles sinon par déduction.
Le dispositif est dans la construction d’une représentation par armature invisible du visible.
Bilan :
Tout cela ne détaille pas la perspective dans sa richesse et sa complexité.
Il s’agissait de considérer le dispositif dans son apparition pour déterminer quelques caractéristiques.
Même dans un système aussi « naturaliste » que celui de la perspective légitime, il y a la construction d’un artifice.
L’image est une imagerie – c’est-à-dire qu’elle est une élaboration particulière. Il n’y a pas d’images qui s’imposent sans un dispositif qui ne soit également une procédure.
On peut se contenter de regarder une image comme on regarde un bon point mais même un bon point est une image qui s’intègre dans une procédure particulière.
Un dispositif est un schème de pensée et de production.
C’est un schème en tant qu’il organise structurellement la perception sensible (il a donc un rapport à l’esthétique) et cette organisation structurelle est la source d’une dynamique de la perception.
La manière d’appréhender le réel devient manière de penser une incidence du réel.
Une distinction est donc à penser entre le réel et la réalité : si le réel est l’état de fait du monde (des choses), la réalité est la manière dont nous construisons un rapport avec cet état.
La perspective s’institue comme une manière de faire qui est également une manière de penser une relation au monde.
En partant des exemples :
- De la visibilité : la vision ne se donne plus d’un bloc ou de blocs (Giotto) mais s’articule à un centre et crée ainsi la possibilité du point de vue (même s’il peut y avoir décentrement Masaccio)
- Être visible, c’est être lisible : il y a un déchiffrement de la représentation à effectuer. À un premier stade, déchiffrement de la perception chez le producteur, à un second stade déchiffrement de la représentation pour reconstruire la perception (c’est le positionnement inverse de la représentation antérieure, où être lisible, c’est donner lieu à une possibilité de visibilité)
- Du coup, la visibilité-lisibilité est partageable : il n’y a pas ou presque pas de point de vue privilégié. L’expérience de Brunelleschi suppose que je peux me mettre à la place de (enjeu important au moment de la Renaissance : décentrement politique et religieux).
- Il y a un en commun de la représentation qui se nomme perspective légitime : un espace géométrique structuré qui ordonne le monde.
- La perspective permet d’agencer une perception qui est une représentation (c’est contradictoire dans les termes puisque la perception se donne dans l’immédiat du sensible comme sensation et la représentation comme construction de la sensation en sentiment et en sensible. Distinctions importantes à poser) en avance du discours qui le formalisera – la perspective existe avant le texte et les énoncés scientifiques qui la détermineront (historiquement il faut attendre la fin du XVIIe siècle pour que l’expression mathématique de la perspective soit presque achevée – et cela si on ne tient pas compte de l’irréductible que représente l’optique qui ne sera véritablement pensé qu’au cours du XIXe siècle, moment où la perspective est contestée avec la réflexion sur la couleur et la lumière).
- Problème :
Tout d’abord ne pas croire que la perspective s’impose par évidence. Une chance historique au sens de hasard de rencontre de causes.
Déjà parlé du contexte historique rapidement.
Comment s’impose ce dispositif ?
La perspective légitime appuie sa légitimité (outre les faits historiques) sur une conception de l’image.
L’image ne se donne plus comme émanation du réel, elle se propose comme un schème (je reprends le mot déjà employé à dessein) – une grille de correspondance entre un système visuel et les éléments du réel.
La perspective consolide du coup une conception de l’image comme mimésis.
Il y a un rapport particulier à construire à chaque coup entre le réel et sa représentation et ce rapport est l’établissement d’une réalité.
La mimésis se définira du coup comme le degré acceptable de correspondance entre le réel et son image : la réalité.
Le travail de l’artiste (qui est un des enjeux de notre questionnement sur le dispositif) se définira du coup comme une modélisation du réel (ce sera le premier niveau de sens du mot réalité : la réalité n’est que le modèle explicatif d’un état du réel) :
À la fin du moyen âge, Dante écrit (De monarchia II,2) : « voici donc ce qu’il faut savoir : de même que l’art se rencontre à trois niveaux, c’est-à-dire dans l’esprit de l’artiste, dans l’outil et dans la matière informée par l’art, de même nous pouvons contempler la nature à trois degrés différents » (à savoir en Dieu comme son créateur, dans le ciel comme en son instrument ainsi que dans la matière).
L’art est analogique, il fonctionne dans un certain rapport comme la création avec Dieu. L’image est toujours un prétexte à retrouver le texte lisible du monde – d’où l’acceptation d’une représentation en écart avec le réel puisque le réel ne se donne que par un travail d’hermétique (interprétation) d’un sens symbolique ou allégorique – rhétorique des formes visuelles.
La Renaissance part d’un postulat qui se dégage lentement dans l’analyse du réel : le modèle se donne déjà à voir. Pas une évidence du visible ou du visuel.
Ce postulat est celui de la ressemblance comme vraisemblance : ce qui d’une certaine manière arrive à être même, arrive également à être dans un rapport à la vérité, voire un rapport de vérité.
Donc du coup, il faut se placer devant les choses et arriver à rendre cette situation de placement :
« Si tu veux faire une bonne ébauche de montagnes, qui ressemblent à la nature, prends de grosses pierres rugueuses et brutes, et, en leur ménageant ombre et lumière, tu en auras aussitôt le spectacle » (Cennini Traité de peinture)
« Le travail du peintre est d’inscrire et de peindre sur une surface au moyen de lignes et de couleurs tous les corps donnés de telle manière qu’à une distance déterminée, et pour une position déterminée du rayon central, tout ce que tu vois peint présente le même relief et le même aspect que les corps donnés …Celui qui étudie la peinture tirera donc toutes ces observations de la nature même, et il méditera en lui-même assidûment la façon dont ces choses se produisent, ses yeux et son esprit persévéreront continuellement dans cette recherche… Enfin que tu étudies la penture ou la sculpture, aie toujours présent à l’esprit quelque modèle élégant et singulier que tu regarderas et imiteras. » Alberti De pictura
L’écart est manifeste : la renaissance introduit un refus de la transmission (peinture retransmise et répétitive) par la reprise perpétuelle du modèle (ressemblance avec la nature non plus divine et immuable – paradigme aristotélicien, mais changeante et variée – paradigme néoplatonicien).
Car il s’agit bien de déterminer l’essence des choses par leur aspect au sens étymologique : ce qui présente au regard.
L’aspect, c’est la vision qui se détermine par les lignes extérieures des choses, qui fait spectacle et se montre digne d’être vu et donc représenté.
La mimésis, c’est donc la production d’une ressemblance par rapport à un modèle (la nature) – un dispositif technique donc qui peut aller de la production d’une reproduction (copie, on s’y laisse prendre) à la production d’une similarité.
Un enjeu : rivaliser avec la nature, d’où le caractère d’imagerie que peut prendre la production d’image. L’artiste est aussi un ingénieur mathématicien et physicien.
La technique se définissant aussi plus largement par faire ce que la nature ne peut produire.
Alberti s’empresse de rajouter que l’artiste doit cependant porter une attention particulière à la beauté : en fait ce qui singularise la chose produite et lui donne un intérêt pour le regard de l’artiste et du spectateur dans une composition ordonnée et historique.
Le dispositif de la perspective légitime piège à la fois le regard et le réel.
Il serait même possible de dire que la perspective ne piège que le réel sous le coup d’un regard : la réalité.
La perspective, ce fut sous entendu jusqu’à présent, est un dispositif de distinction par délimitation : un procédé graphique qui consiste à faire que dans la surface s’élaborent des configurations selon une unité des variables qui se distinguent localement et pas par nature.
Le caractère géométrique n’est certes pas une mathématisation consciente puisque les outils mathématiques ne sont pas encore présents.
La perspective légitime travaille la linéarité des choses : c’est le trait – donc le dessin- ou plus exactement la délinéation (à l’origine liée à la matière colorée comme limite entre deux zones colorées) devient la bordure de la surface, la limite entre le plein et le vide – représentation matérielle séparée.
Le dessin configure une forme sensible du concept qui s’abstrait au point de disparaître à la sensibilité : lignes de forces non perceptibles sinon par déduction.
Le dispositif est dans la construction d’une représentation par armature invisible du visible.
Bilan :
Tout cela ne détaille pas la perspective dans sa richesse et sa complexité.
Il s’agissait de considérer le dispositif dans son apparition pour déterminer quelques caractéristiques.
Même dans un système aussi « naturaliste » que celui de la perspective légitime, il y a la construction d’un artifice.
L’image est une imagerie – c’est-à-dire qu’elle est une élaboration particulière. Il n’y a pas d’images qui s’imposent sans un dispositif qui ne soit également une procédure.
On peut se contenter de regarder une image comme on regarde un bon point mais même un bon point est une image qui s’intègre dans une procédure particulière.
3 Excursus 1 : contexte et nature
Contexte particulier :
- Transformation de l’espace de la cité italienne
- Transformation de l’espace de représentation du monde
- Transformation de l’espace théologique
- Transformation du rapport au temps
- Transformation du statut de l’activité artistique : arrachement vers les arts libéraux
Toutes ces transformations s’échelonnent dans une période assez large et parfois au-delà de l’Italie.
En tout état de cause, un dispositif particulier de production d’image se construit dans le même temps qu’une conscience réceptive adaptée à ces productions s’instaure.
Aucun suspense, c’est la perspective.
Filippo Brunelleschi (1377-1446) coupole du dôme de Florence 1420-36.
Leone Battista Alberti (1404-72) 1424-25 De pictura
Qu’est-ce que la perspective ?
Cela se définit par une vision unique, monoculaire (une monstruosité : œil cyclope). Toutes les lignes convergent vers le point qui est la projection de l’œil sur la surface de la représentation. Cela produit un schéma de configuration et de composition.
La perspective est une vraie invention, une vraie disposition des choses du monde.
C’est un choix qui se fait d’un système de représentation parmi d’autres possibles.
Elle implique donc :
- Un spectateur immobile : il y a là un dispositif de regard contre lequel la modernité luttera
- Ce spectateur est fixé à une certaine distance de ce qu’il regarde. Distance qui sera considérée comme le point de vue privilégié sur l’œuvre
- Une vision monoculaire donc réductrice et en écart avec la réalité de la vision naturelle humaine.
Il faut bien se souvenir qu’à la même époque :
- Système de composition par plan : Giotto
- École dite de Sienne : primo perspective avec aberration
- Lorenzo Ghiberti (1378 ou 81-1455 porte du baptistère de Florence 1401 en sculpture) met au point un système de perspective bifocale centralisée avec deux points de fuite : les deux yeux.
- Paolo Uccello (1397-1475) expérimente une perspective bifocale latéralisée : il y a un point de fuite à l’extrême gauche, car le regard se porte à l’extrême gauche et un point de fuite à l’extrême droite ; entre les deux, il y a l’organisation des lignes de fuite dont les foyers sont aux extrêmes.
- Jean Fouquet (1420-1481) met au point la perspective convexe ou tournante.
- Les peintres Flamands utilisent une perspective non géométrique et non mathématisée.
Entre 1415-1417 : Brunelleschi construit un modèle empirique : panneau du baptistère de Florence comme modèle théorique.
- La mise en scène est un dispositif expérimental pour validité une proposition que l’on pense être au départ d’architecture : éviter l’usage des maquettes et faire de l’architecture un système de représentation conceptuelle (cosa mentale)
- La mise en scène est une limite de la représentation : impossible ciel
- La mise en scène est un cadrage optique et thématique
Le dispositif est également un dispositif spatial et temporel qui inaugure la règle de la représentation historique en art : unité d’action, de lieu et de temps.
Ce qui est rendu visible, c’est la légitimité de l’image comme processus dans la nécessité où le sujet est de trouver la bonne place (pas sa place mais une place qui lui est assignée).
Valeur du dispositif mis en place dans les années 1420-1450 :
- Rôle de la cartographie : la peinture produit du territoire et Florence est un centre de cartographie
- Institution politique : on sait que Côme de Médicis dit l’ancien encourage la production de petits panneaux quadrangulaires à son retour d’exil en 1434 pour s’opposer à l’esthétique gothisante de son prédécesseur – face à la fresque apparaît donc le tableau transportable et transposable (pas totalement exact, la Trinité de Masaccio reconduit l’expérience de Brunelleschi dans un cadre d’architecture)
- Un dispositif double de production et de pensée (sens du mot représentation)
- Un dispositif qui fonctionne sur un schéma analogique : la commensuratio
- Un cadrage du réel :la limite de l’image.
- Transformation de l’espace de la cité italienne
- Transformation de l’espace de représentation du monde
- Transformation de l’espace théologique
- Transformation du rapport au temps
- Transformation du statut de l’activité artistique : arrachement vers les arts libéraux
Toutes ces transformations s’échelonnent dans une période assez large et parfois au-delà de l’Italie.
En tout état de cause, un dispositif particulier de production d’image se construit dans le même temps qu’une conscience réceptive adaptée à ces productions s’instaure.
Aucun suspense, c’est la perspective.
Filippo Brunelleschi (1377-1446) coupole du dôme de Florence 1420-36.
Leone Battista Alberti (1404-72) 1424-25 De pictura
Qu’est-ce que la perspective ?
Cela se définit par une vision unique, monoculaire (une monstruosité : œil cyclope). Toutes les lignes convergent vers le point qui est la projection de l’œil sur la surface de la représentation. Cela produit un schéma de configuration et de composition.
La perspective est une vraie invention, une vraie disposition des choses du monde.
C’est un choix qui se fait d’un système de représentation parmi d’autres possibles.
Elle implique donc :
- Un spectateur immobile : il y a là un dispositif de regard contre lequel la modernité luttera
- Ce spectateur est fixé à une certaine distance de ce qu’il regarde. Distance qui sera considérée comme le point de vue privilégié sur l’œuvre
- Une vision monoculaire donc réductrice et en écart avec la réalité de la vision naturelle humaine.
Il faut bien se souvenir qu’à la même époque :
- Système de composition par plan : Giotto
- École dite de Sienne : primo perspective avec aberration
- Lorenzo Ghiberti (1378 ou 81-1455 porte du baptistère de Florence 1401 en sculpture) met au point un système de perspective bifocale centralisée avec deux points de fuite : les deux yeux.
- Paolo Uccello (1397-1475) expérimente une perspective bifocale latéralisée : il y a un point de fuite à l’extrême gauche, car le regard se porte à l’extrême gauche et un point de fuite à l’extrême droite ; entre les deux, il y a l’organisation des lignes de fuite dont les foyers sont aux extrêmes.
- Jean Fouquet (1420-1481) met au point la perspective convexe ou tournante.
- Les peintres Flamands utilisent une perspective non géométrique et non mathématisée.
Entre 1415-1417 : Brunelleschi construit un modèle empirique : panneau du baptistère de Florence comme modèle théorique.
- La mise en scène est un dispositif expérimental pour validité une proposition que l’on pense être au départ d’architecture : éviter l’usage des maquettes et faire de l’architecture un système de représentation conceptuelle (cosa mentale)
- La mise en scène est une limite de la représentation : impossible ciel
- La mise en scène est un cadrage optique et thématique
Le dispositif est également un dispositif spatial et temporel qui inaugure la règle de la représentation historique en art : unité d’action, de lieu et de temps.
Ce qui est rendu visible, c’est la légitimité de l’image comme processus dans la nécessité où le sujet est de trouver la bonne place (pas sa place mais une place qui lui est assignée).
Valeur du dispositif mis en place dans les années 1420-1450 :
- Rôle de la cartographie : la peinture produit du territoire et Florence est un centre de cartographie
- Institution politique : on sait que Côme de Médicis dit l’ancien encourage la production de petits panneaux quadrangulaires à son retour d’exil en 1434 pour s’opposer à l’esthétique gothisante de son prédécesseur – face à la fresque apparaît donc le tableau transportable et transposable (pas totalement exact, la Trinité de Masaccio reconduit l’expérience de Brunelleschi dans un cadre d’architecture)
- Un dispositif double de production et de pensée (sens du mot représentation)
- Un dispositif qui fonctionne sur un schéma analogique : la commensuratio
- Un cadrage du réel :la limite de l’image.
2 Bibliographie
- Daniel Arasse : l’annonciation italienne Hazan
- Daniel Arasse : histoire de peinture France Culture Denoël
- Hubert Damisch l’origine de la perspective Champs Flammarion
- Jean Louis Deotte L’époque de l’appareil perspectif L’harmattan
- Erwin Panofksy la perspective comme forme symbolique Minuit
- Pierre Francastel Peinture et société Gallimard
- Daniel Arasse : histoire de peinture France Culture Denoël
- Hubert Damisch l’origine de la perspective Champs Flammarion
- Jean Louis Deotte L’époque de l’appareil perspectif L’harmattan
- Erwin Panofksy la perspective comme forme symbolique Minuit
- Pierre Francastel Peinture et société Gallimard
1 Dispositif mis en oeuvre : la perspective
L’art apparaît non pas comme un état de fait, une disposition à être mais comme une disposition d’un devoir être. En ce sens il y a une distinction à construire entre les différents niveaux que nous avons engagés.
« Devoir être de l’art, ce serait la mise en place d’un dispositif de la disposition pour faire figure ou formalisation sensible « rendre visible le visible » disait Klee.
Il y a donc un processus de construction propre, spécifique : un constructivisme de l’art. Il construit une constitution qui s’établit dans une disposition du travail. (Cf. le réalisme dans l’art)
L’art comme activité apparaît comme un pouvoir constituant, une puissance constitutive de sa représentation et de sa perception.
Si l’on schématise ce que nous avons distingué jusqu’à présent :
- 1er plan de composition dans le bricolage :
Il y a combinaison de l’état de fait dans une altération de celui-ci : le bricolage pallie une insuffisante concrète et empirique du monde.
- 2e plan de composition :
Il y a combinaison de la matière et de formes sériées en fonction d’une finalité technique et concrète déterminée : le devis de l’artisan
- 3e plan de composition :
Il y a combinaison de la matière-forme vers une finalité d’invention spécifique et rationnelle : plan de l’expérience. L’ingénieur.
Dans tous les cas envisagés, un travail d’abstraction et de concrétisation qui est une transformation-altération en autre chose que le point de départ.
En est-il de même dans le processus artistique conçu comme disposition ?
Excursus et rappel : le cas d’un dispositif particulier et persistant comme naturel (illusion)
Comment se fait-il que l’on change de paradigme visuel au cours du XIV-XVe siècle ?
« Devoir être de l’art, ce serait la mise en place d’un dispositif de la disposition pour faire figure ou formalisation sensible « rendre visible le visible » disait Klee.
Il y a donc un processus de construction propre, spécifique : un constructivisme de l’art. Il construit une constitution qui s’établit dans une disposition du travail. (Cf. le réalisme dans l’art)
L’art comme activité apparaît comme un pouvoir constituant, une puissance constitutive de sa représentation et de sa perception.
Si l’on schématise ce que nous avons distingué jusqu’à présent :
- 1er plan de composition dans le bricolage :
Il y a combinaison de l’état de fait dans une altération de celui-ci : le bricolage pallie une insuffisante concrète et empirique du monde.
- 2e plan de composition :
Il y a combinaison de la matière et de formes sériées en fonction d’une finalité technique et concrète déterminée : le devis de l’artisan
- 3e plan de composition :
Il y a combinaison de la matière-forme vers une finalité d’invention spécifique et rationnelle : plan de l’expérience. L’ingénieur.
Dans tous les cas envisagés, un travail d’abstraction et de concrétisation qui est une transformation-altération en autre chose que le point de départ.
En est-il de même dans le processus artistique conçu comme disposition ?
Excursus et rappel : le cas d’un dispositif particulier et persistant comme naturel (illusion)
Comment se fait-il que l’on change de paradigme visuel au cours du XIV-XVe siècle ?
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