Le récit comme dispositif narratif :
Bibliographie sommaire :
Aristote Poétique et Rhétorique
Platon La république Livre 3 à 7 GF Paris
Genette Fiction et diction Points Seuil Paris 2004
Todorov La notion de littérature Points Seuil Paris 1987
Groupe mu : Rhétorique générale Points Seuil Paris 1982
La fiction textes choisis et présentés par Ch. Montalbetti GF Flammarion Paris 2001
Le récit se donne comme un dispositif particulier des systèmes de narration. La narration se définit par une suite de fait exposé. Elle peut prendre la forme du récit, de l’exposé, de la relation, et traverse les différents genres et pratiques de l’expression d’un événement.
La narration se donne comme une catégorie générale sur lequel le récit s’articule de manière spécifique.
Cette spécificité, Aristote en étudia le premier les modalités propres au sein d’un corpus de texte dont le plus important est la Poétique.
Aristote en tant que philosophie s’intéresse aux formes du récit comme poièsis : forme de production, fabrication, création particulière puisque la poièsis trouve sa fin en elle-même. Elle s’auto justifie et détermine comme pratique alors que les autres modes de fabrication, création, production doivent trouver leur fin dans une extériorité radicale : l’artisan fabrique le lit et la fin n’est pas la fabrication en elle-même du lit mais le lit comme objet.
Le récit poétique trouve donc sa fin dans son système de construction.
En cela pour Aristote il relève d’activité identique qu’il place sous le cadre de la mimésis ou imitation (cf. début de la poétique où l’acte du récit est rapporté aux activités mimétiques : la peinture par ex.).
La mimèsis est une théorie de la représentation particulière qui ne se réduit pas à la représentation comme copie.
Le récit ne peut pas être dit une imitation d’un agencement de fait réel – il est construction de cet agencement, voire il est production du fait lui-même.
C’est une ligne de partage oubliée de la conception aristotélicienne de la représentation.
Aristote ne cesse dans sa pratique de la philosophie de questionner les modes d’être ; il s’occupe d’une métaphysique qui est également une ontologie.
L’intérêt pour les art relève d’un questionnement sur les modes d’être particulier aux œuvres d’art.
La poétique définit le récit selon les modalités contemporaines à Aristote : le théâtre tragique et comique, l’épopée, le roman ne peut pas faire figure de genre, il n’existe tout simplement pas sauf à considérer (et parfois Aristote le fait en interrogeant l’histoire) le récit historique comme une modalité en devenir vers la réalité et la vérité.
Il y a là les premiers termes d’une indistinction entre fiction et réalisation (comme mode de production d’un récit fictif ou factuel – cf. Genette fiction et diction récit fictionnel, récit factuel p.141).
Simplement Aristote définit le récit comme système d’agencement de faits, d’actions. Les modalités du texte s’arrête plus particulièrement à la tragédie mais il ne faut pas en tenir compte uniquement.
Dire que le récit se compose comme agencement, c’est dire qu’il est un principe d’organisation des faits-actions :
- une organisation temporelle : il y a un temps propre au récit – le temps de la composition par l’auteur,le temps de la narration spécifique et le temps de ce qui est raconté, le temps du lecteur. Donc divers ordres de temporalités qui suppose des conceptions du temps sous forme de durée propre : le temps de la narration et du narré se recouvrent dans le récit, les deux autres constituent des modalités de production et d’appropriation du récit.
Il y a des opérateurs propres à la production de formes de temporalités : études de premières phrases de romans et contes
- « il était une fois » imparfait historique, certes pas, plutôt un imparfait qui désigne une action passé(en ce sens historique) mais une action passée dont le régime temporel n’est pas très clair par rapport à l’histoire. Le « il était une fois » est un paradoxe temporel : un temps passé qui n’est pas défini mais dont l’une fois dit la simplicité du rapport au temps. En français ce devrait être un passé simple « il fut une fois » mais la formulation est une redondance. Le passé simple marque l’instant de l’action alors que le « il était une fois » marque une forme d’éternité, une reprise perpétuel à chaque commencement du récit.
Il était une fois est un marqueur temporel du récit mais aussi un marqueur pour l’auteur et le lecteur.
- « ça a débuté comme ça » Louis Ferdinand Céline : Voyage au bout de la nuit. Le passé composé est ici la figure d’une temporalité en cercle. Un éternel recommencement. Le début est absolu et boucle le récit dans une temporalité de répétition à chaque reprise de la lecture. Le début est commencement absolu, il n’y a rien avant pas même l’éternité du « il était une fois ». Le temps n’est pas bloqué, immobile ; il est conçu simplement dans l’évidence du récit qui vient supporter le silence du narrateur : « moi, j’avais jamais rien dit ». La première phrase produit le régime de temporalité du récit dans le Voyage comme suite d’événement sans raccord – le temps est disjoint, disjoncté. Le récit est celui d’une expérience biographique sans unité ou qui doit trouver sans unité dans la progression et l’enchaînement d’événements particuliers.
- « Dis moi, ô Muse, l’homme aux milles tours qui tant erra » Le régime de temporalité est celui du mythe – un temps qui n’est plus humain parce qu’il est celui de la Muse et également un temps de l’inaccessible. Un temps d’injonction ou de prière :lire l’odyssée comme une prière dans le temps propre qu’instaure la prière dans sa religiosité, son intimité, sa valeur de partage…Toutefois ce qui est raconté est de l’ordre du factuel dans la passé simple (aoriste en grec temps passé déterminé d’une action mais sans chronologie précise). Le passé est renvoyé à l’indétermination. Des fait sans histoire ou plus exactement sans consistance de réalité.
- « le 15 mai 1796, le général Bonaparte fit son entrée dans Milan à la tête de cette jeune armée qui venait de passer le pont de Lodi et d’apprendre au monde qu’après tant de siècle César et Alexandre avaient un successeur ; » La temporalité se donne ouvertement comme celle de l’historique, d’une forme spécifique de fait avéré. Il y a une réalité derrière le récit et cette réalité se réfère au temps passé et daté. Inscrire le récit dans une chronologie factuelle, c’est le propre de la chronique, de la presse ou du livre d’historien. Le passé simple avec la datation précise le registre de temporalité. Le point de départ du récit s’inscrit dans le même registre de temporalité que celui du lecteur – c’est le même que celui de l’histoire.
- il y un ordre logique de cette temporalité posée : le temps est celui de l’avant et de l’après qui rejoint celui de notre conception de l’explication des événements et des phénomènes physiques. Le temps c’est l’avant-après mais c’est également une détermination d’ordre dans la succession des événements. L’avant-après recouvre le schéma cause-effet(s). Il y a donc une linéarité propre au récit (au moins dans la structure élémentaire que propose Aristote).
Le récit initie un commencement spécifique et s’articule logiquement selon les données de ce commencement.
La suite s’articule comme développement d’une logique argumentative des données premières jusqu’à résolution .
Derrière cette logique du temps se profile ce qu’Aristote qualifie de vraisemblance. Le récit pour paraître cohérent doit également se prévaloir d’une certaine vérité. Cette vérité ne peut être celle qui ressortit d’une expérience de la réalité ou du vécu, elle se construit analogiquement à elle mais selon ses propres règles.
C’est l’expérience du vraisemblable dans la fiction : cela peut paraître vrai, voire dire le vrai – donc être vrai d’une certaine manière mais il n’y a aucune raison sinon d’ordre extérieur au récit pour démontrer la non validité ou fausseté ( c’est l’illusion de Don Quichotte qui croit les récits de chevalerie plus vrai que le réel alors qu’ils ne sont que vraisemblables – et c’est le travail de l’auteur de déterminer cette vraisemblance, le lecteur doit l’accepter, d’une certaine manière la subir).
-le texte de Balzac extrait de la Fille aux yeux d’or : le temps chez Balzac sert par le biais de la description à déterminer une temporalité objective. Une temporalité d’objets, c’est une temporalité factuelle mais pas au sens historique du terme uniquement, ce qui intéresse Balzac, c’est de dire une vérité archéologique sur son époque. Le temps d’objet est celui-là même de la vérité scientifique une vérité qui fait une pause dans le temps – pas, donc, l’éternité du mythe épique de l’odyssée mais un temps de l’universalité délimitée par la description. (cf. Avant propos de la Comédie Humaine). La valeur de description sociologique de la page construit une présupposition : le roman est un roman du temps présent (pas comme celui de Stendhal) mais du temps présent comme objet d’analyse et d’étude. Le présent de narration renforce la valeur d’objectivité du récit et le texte se constitue comme un champ de vision macroscopique-microscopique.
- le texte de Queneau : les fleurs bleues. La date est en toute lettre, elle désamorce le caractère historique, le factuel est dans la littéralité du texte pas dans le réel. Le passé simple n’est donc pas événementiel, il est narratif – il construit au rythme de la lecture la temporalité propre du récit. Le temps est l’objet propre du récit : le temps de l’histoire et Queneau joue avec le temps sous forme narrative.
lundi, janvier 30, 2006
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